jeudi 25 février 2010

L’USAGE DE DROGUES A DES FINS RELIGIEUSES DEVANT LA COUR SUPREME DES ETATS-UNIS

Docteur en droit, chercheur au Centre Perelman de Philosophie du Droit de l’Université Libre de Bruxelles

Dans un arrêt Gonzales v. O Centro Espirita Beneficente Uniao Do Vegetal du 21 février 2006, la Cour Suprême des Etats-Unis a jugé que les membres d’une secte religieuse chrétienne d’origine brésilienne devaient pouvoir être autorisés à consommer du thé hallucinogène, le hoasca, à des fins religieuses. Cet arrêt renverse la jurisprudence de la Cour établie dans un arrêt Employment Div. Dept. of Human Resources of Oregon v. Smith, rendu en 1990, dans lequel la Cour Suprême affirmait la constitutionnalité de l’interdiction faite à des Amérindiens de consommer du peyote à des fins religieuses.
Juridiquement, dans ces arrêts, la Cour Suprême des Etats-Unis devait interpréter la free exercice clause du premier amendement qui dispose : « Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof ». Cette clause comprend la liberté de croire, qui est absolue et ne peut faire l’objet d’aucune limitation, et la liberté de pratiquer sa religion, qui peut faire l’objet de certaines limitations sous certaines conditions. Globalement, la jurisprudence de la Cour Suprême relative à la liberté de pratiquer sa religion a fait l’objet de plusieurs revirements, fluctuant entre une interprétation large et une interprétation stricte. L’arrêt de la Cour rendu dans l’affaire du thé hallucinogène marque un ultime revirement de jurisprudence. Pour le comprendre, il convient de rappeler la jurisprudence de la Cour Suprême1 relative à la liberté des pratiques religieuses. Nous en retenons essentiellement cinq étapes : la jurisprudence Reynolds (I), le compelling interest test (II), le respect des pratiques religieuses des Amérindiens (III), l’affaire Smith concernant l’usage du peyote (IV), et enfin, l’affaire du thé hallucinogène (V).
La question traitée dans cet article a été exposée lors d'un séminaire de philosophie politique et juridique organisé par le Centre Perelman de Philosophie du Droit de l'Université Libre de Bruxelles. L'auteur tient à remercier en particulier le Prof. Guy Haarscher et Gregory Lewkowicz pour leurs précieux commentaires et leurs encouragements dans le cadre du travail de rédaction.
Tous les arrêts commentés dans la présente note sont publiés par Westlaw. Nous reprenons les références officielles indiquées par cet éditeur.
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I. - LA JURISPRUDENCE REYNOLDS
Dans l’arrêt Reynolds contre Etats-Unis, rendu en 1878, la Cour Suprême des Etats-Unis confirmait la condamnation d’un mormon pour polygamie2. Or, avant de l’interdire en 1890, les mormons encourageaient cette pratique en l’érigeant comme un devoir religieux pesant sur tous les fidèles masculins. L’un d’eux, George Reynolds, sera condamné pénalement pour avoir violé le droit des Territoires de l’Utah qui prohibait la bigamie. Il insistera sur l’importance de cette pratique religieuse pour les mormons, considérée comme un véritable devoir sévèrement sanctionné en cas de désobéissance, et en particulier par la damnation de la vie future. Durant son procès, la Cour de district refusera, rejetant ainsi la requête de Reynolds, de demander au jury de prononcer l’accusé « non coupable », s’il estimait que son deuxième mariage répondait à un devoir religieux. Au contraire, la Cour précisera que si, influencé par ses croyances religieuses, Reynolds s’était volontairement marié une seconde fois, il devait être déclaré « coupable » et la pratique religieuse en cours ne pouvait en aucun cas excuser son délit3. La question posée à la Cour Suprême était donc la suivante : une pratique religieuse peut-elle justifier une infraction au droit pénal d’un Etat4 ? Si la Constitution américaine interdit l’adoption de législation limitant la liberté de religion, la question posée dans cet arrêt consistait à tenter de déterminer dans quelle mesure la législation pénale en vigueur en Utah prohibant la polygamie était précisément de nature à limiter la liberté de religion et dès lors, inconstitutionnelle5.
S’interrogeant d’abord sur la notion de « religion », la Cour Suprême rappelle les discussions qui ont permis d’aboutir finalement à l’adoption du premier amendement. Avant l’adoption de la Constitution, certains Etats ont pris des mesures législatives en vue d’imposer une religion établie, sa doctrine et ses pratiques. Les citoyens étaient taxés, contre leur volonté, en vue de soutenir financièrement une religion ou une secte dont ils n’étaient pas membres et contraints de se plier à certaines pratiques. Analysant les débats entre James Madison et Thomas Jefferson sur la liberté religieuse, la Cour Suprême souligne qu’il est clair que les auteurs du premier amendement ont eu pour intention de prohiber toute intervention législative limitant les opinions et les croyances, mais qu’ils
5 Le premier amendement à la Constitution américaine dispose que : Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the Government for a redress of grievances.
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ne visaient pas à interdire les ingérences des pouvoirs publics pour limiter et sanctionner des pratiques religieuses violant les devoirs sociaux ou de nature à subvertir l’ordre établi6. La Cour Suprême rappelle que la polygamie – pratiquement exclusivement d’usage pour les populations africaine et asiatique – a toujours été considérée comme une pratique odieuse au sein des nations occidentales. En common law, le second mariage est nul. La Cour rappelle que tous les Etats de l’Union qualifient la polygamie d’infraction (offence against society) et la punissent. C’est pourquoi, la Cour juge qu’il est impossible de souscrire à la thèse selon laquelle la liberté de religion visait à proscrire toute intervention législative en la matière. Le mariage est un contrat civil, en principe régulé par le droit. Certes, la Cour n’exclut pas l’idée d’une société (an exceptional colony of polygamists) fondée sur la polygamie, mais précise qu’il ne peut faire aucun doute que les pouvoirs publics sont compétents pour déterminer si la polygamie ou la monogamie doit être la règle7. La Cour conclut sur cette espèce en soulignant que si le gouvernement ne peut s’ingérer dans les croyances et opinions religieuses, il est libre d’interférer dans les pratiques religieuses. Le principe de non-ingérence ne peut en aucun cas être interprété de manière absolue au risque de devoir tolérer les pratiques religieuses les plus extrêmes allant jusqu’à interdire au gouvernement de prohiber les sacrifices humains s’ils étaient considérés comme essentiels pour la pratique du culte de certains. En conclusion, la Cour affirme que la polygamie est prohibée aux Etats-Unis et que permettre aux individus d’y déroger en raison de leurs croyances religieuses serait de nature à ériger les préceptes religieux en principes supérieurs au droit, ce qui ne peut être accepté8.
La Cour Suprême a toutefois nuancé sa jurisprudence quelques décennies plus tard en limitant le pouvoir d’ingérence de l’Etat dans les pratiques religieuses en lui imposant le compelling interest test.
II. - LE COMPELLING INTEREST TEST
Dans l’arrêt Sherbert v. Verner, adopté en 1963, la Cour Suprême nuance en effet le degré d’ingérence étatique autorisé dans les pratiques religieuses en en dessinant les limites9. En l’espèce, un membre de l’Eglise adventiste du septième jour, sera remercié
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par son employeur en Caroline du Sud pour avoir refusé de travailler le samedi. Pour justifier ce refus, l’employée invoquait l’interdiction qui lui était faite par sa religion de travailler le samedi, jour du Sabbat. Incapable de trouver un nouvel emploi, en raison de cette indisponibilité du samedi, l’intéressée adressera une demande auprès du service des allocations de chômage (conformément au South Carolina Unemployment Compensation Act). Cette demande sera rejetée car elle avait refusé plusieurs emplois offerts sans pouvoir se prévaloir de bons motifs (good cause). La Cour Suprême de Californie confirmera la légitimité de ce rejet. La Cour Suprême des Etats-Unis a jugé au contraire qu’une telle restriction d’accès aux allocations de chômage justifiée uniquement par le refus de l’intéressée de travailler le samedi, ce qui aurait été contraire à ses croyances et pratiques religieuses, entravait la liberté de religion de l’intéressée en violation du premier amendement.
La Cour Suprême va en effet appliquer à la matière de la liberté des pratiques religieuses le test de l’intérêt primordial (compelling interest test) qui exige que l’Etat puisse justifier toute ingérence étatique dans la jouissance et l’exercice des libertés du premier amendement par la nécessité impérieuse de protéger un intérêt primordial10. Après avoir rappelé l’interdiction de principe des ingérences gouvernementales en matière de liberté de religion, la Cour souligne toutefois que cette liberté n’est pas pour autant absolue et des interférences peuvent se justifier par la nécessité de sauvegarder la sécurité publique, l’ordre ou la paix11. Notant que la pratique religieuse consistant à ne pas travailler le samedi n’est nullement prohibée par le droit, la Cour Suprême juge qu’il faudrait démontrer, pour que le refus des allocations de chômage en l’espèce soit constitutionnel, soit qu’il ne s’agit nullement d’une ingérence étatique dans l’exercice de la liberté religieuse de l’intéressée, soit que, bien que s’agissant d’une ingérence, elle se justifie par un intérêt primordial de l’Etat. En ce qui concerne la première question qui consiste à déterminer s’il y avait ou non ingérence, la Cour répond par l’affirmative. Certes, la législation sur les allocations de chômage ne vise pas explicitement à restreindre la pratique religieuse de l’intéressée, toutefois elle a des conséquences indirectes, mais certaines sur son exercice. Et en l’espèce, cette législation doit donc être considérée comme interférant avec la liberté de religion12. Invoquer que le bénéfice des allocations de chômage n’est pas un droit mais un privilège ne permet pas de justifier l’ingérence. La
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. Or, aucun abus ou danger n’a été mis en avant dans cette affaire. Pour cette raison, la Cour juge que l’ingérence n’était pas justifiée. Cour note en outre que le droit de Caroline du Sud reconnaît dans certaines circonstances aux travailleurs le droit de refuser d’exercer leur activité le dimanche pour raison religieuse. Le refus d’octroyer les allocations de chômage en l’espèce constitue donc une ingérence qui de plus s’inscrit dans un contexte de discrimination religieuse. La Cour examine ensuite la seconde question : il s’agit de déterminer si l’ingérence pouvait se justifier par un intérêt primordial. Etant donné qu’il s’agit de l’allégation d’une ingérence en matière de liberté de religion, considérée par la Cour comme étant une matière constitutionnelle hautement sensible (highly sensitive constitutional area), elle ne peut se justifier qu’afin de contrer les abus les plus graves mettant en danger les intérêts les plus cruciaux1314
Dans son arrêt Wisconsin v. Yoder, rendu en 1972, la Cour Suprême confirme sa position15. En l’espèce, des amish avaient été condamnés pour violation du droit du Wisconsin rendant l’école obligatoire jusqu’à 16 ans. Dès 14 ou 15 ans, ils préféraient en effet offrir une formation spécifique à leurs enfants en vue de les préparer à la vie rurale de la communauté amish. En outre, ils pensaient très sincèrement que l’éducation secondaire supérieure (high school) était contraire à leur religion16. La Cour Suprême confirme l’arrêt de la Cour fédérale du Wisconsin qui a jugé que l’application de la législation relative à l’obligation scolaire en l’espèce était contraire au premier amendement de la Constitution. L’intérêt de l’Etat d’assurer l’éducation des enfants de moins de 16 ans n’échappe pas totalement au processus de mise en balance des intérêts lorsqu’un tel intérêt affecte les libertés du premier amendement et l’intérêt des parents d’éduquer leurs enfants conformément à leurs croyances religieuses. Or, en l’espèce, les amish ont démontré que l’éducation obligatoire de leurs enfants jusqu’à 16 ans affectait
14 Tout au plus, il était suggéré que les demandeurs d’emploi pourraient commettre des abus en prétendant que leur religion leur interdit de travailler le samedi. Un tel usage abusif de la liberté de religion, s’il avait été massif, aurait été de nature, selon les membres de la Commission en charge de la distribution des allocations, à affecter l’intégrité du fond des allocations de chômage et à perturber les horaires de travail du samedi.
Dans l’arrêt Braunfeld v. Brown, la Cour juge qu’instaurer un jour de repos, le dimanche, commun pour tous les travailleurs se justifiait et qu’assortir cette règle générale d’exceptions – quoique théoriquement possibles – soulevait des obstacles administratifs trop importants.
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très directement le libre exercice de leur religion. Prenant en considération l’histoire de la religion pratiquée par les amish depuis plus de trois siècles, la démonstration de la sincérité de leurs croyances, l’interaction entre leur croyance et leur mode de vie, et notant la différence minimale entre ce que l’Etat exigeait en l’espèce et ce que les amish avaient déjà acceptés, la Cour juge qu’il appartient à l’Etat de démontrer en quoi concéder aux amish le droit de faire exception à la législation sur l’enseignement obligatoire était de nature à affecter son intérêt en la matière17. En ce sens, la Cour Suprême renverse la charge de la preuve au profit du groupement religieux.
La Cour raisonne en trois temps. Premièrement, elle détermine l’applicabilité de la liberté religieuse au cas d’espèce, deuxièmement, elle examine s’il y a eu ou non ingérence étatique, et enfin, troisièmement, elle décide si l’ingérence était ou non justifiée par l’intérêt primordial de l’Etat. S’interrogeant tout d’abord sur le champ d’application du premier amendement et de la liberté religieuse et sur la question de son applicabilité en l’espèce, la Cour juge que les amish pouvaient invoquer la protection de leur liberté de religion uniquement, car leur mode de vie particulier était fondé sur leurs croyances religieuses, et non simplement sur le rejet philosophique ou privé du mode de vie majoritaire18. Ensuite, appliquant le même raisonnement que dans l’arrêt Sherbert v. Verner, la Cour Suprême juge qu’il y a eu ingérence. Il a été suffisamment démontré en l’espèce que l’obligation scolaire litigieuse était de nature à affecter le mode de vie religieux des amish et entravait directement leurs pratiques religieuses19. L’Etat du Wisconsin soutenait pour sa part que si les croyances religieuses étaient effectivement protégées par le premier amendement, les pratiques religieuses échappaient à toute protection constitutionnelle. La Cour concède que les pratiques religieuses peuvent être régulées par l’Etat afin de protéger la santé, la sécurité ou le bien-être général, mais cela
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. La Cour examine finalement la dernière question qui consistait à déterminer si la mission de l’Etat relative à la mise en place d’un système scolaire obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans rencontrait un intérêt primordial de nature à justifier l’ingérence dans la liberté religieuse des amish. Cependant, la Cour nuance le test de l’intérêt primordial et considère qu’il importe en l’occurrence d’identifier les intérêts que l’Etat entend promouvoir par le biais du système éducatif contraignant et de démontrer en quoi une exception accordée aux amish serait de nature à empêcher l’Etat d’atteindre ses objectifs. L’objectif de l’Etat est double : éduquer les citoyens et leur permettre de participer effectivement et de manière éclairée au système politique américain afin de garantir la liberté et l’indépendance du pays ; et permettre à l’individu d’être autonome et de contribuer utilement à la société. Si la Cour Suprême confirme la légitimité de ces objectifs, elle ne voit pas en quoi obliger les amish adolescents à poursuivre le programme scolaire jusqu’à 16 ans – au lieu de 14 ou 15 ans – serait de nature à contribuer à atteindre ces objectifs. Les amish ne s’opposent pas à l’éducation des enfants au-delà de 14 ou 15 ans mais rejettent l’éducation conventionnelle inadaptée aux exigences de formation et d’éducation, notamment religieuse, de la communauté. La Cour rejette l’argument de l’Etat invoquant la nécessité de protéger les enfants contre l’ignorance en soulignant le particularisme, le bon fonctionnement, et l’harmonie de la communauté amish (highly successful social unit in our society). En ce sens également, l’Etat du Wisconsin soutenait en dernier argument qu’il était de son devoir de réguler les comportements, notamment en matière d’éducation obligatoire, contre la volonté des parents parfois, mais afin de préserver l’intérêt de l’enfant. La réponse de la Cour sur ce point est particulièrement faible en ce sens qu’elle exclut les enfants – et leurs intérêts – du litige en considérant que ce dernier n’oppose que les parents de ces enfants à l’Etat. Pour le surplus, la Cour insiste en particulier sur le droit des parents d’éduquer leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, tout en ignorant, selon nous, l’intérêt supérieur de l’enfant. ne signifie pas pour autant que ces pratiques ne bénéficient pas de la protection constitutionnelle du premier amendement20. En outre, la Cour rejette l’argument de l’Etat du Wisconsin qui invoquait la neutralité de la règle relative à l’enseignement obligatoire pour justifier l’ingérence. En effet, une règle générale et neutre peut, en pratique, affecter la liberté religieuse de certains. opinion dissidente du Juge Douglas, Wisconsin v. Yoder, 406 U.S. 205, 254 : It is the future of the student, not the future of the parents, that is imperiled by today's decision. If a parent keeps his child out of
La conclusion de l’opinion majoritaire nuance la portée de cet arrêt de principe en insistant sur l’idée selon laquelle l’exception concédée aux amish en l’espèce se justifie par les caractéristiques spécifiques, la longue histoire et la stabilité de la communauté amish, suggérant qu’un nouveau groupement communautaire revendiquant un mode de vie progressiste ne pourrait pas bénéficier d’un traitement identique.
III. - LE RESPECT DES PRATIQUES RELIGIEUSES DES AMERINDIENS
Dans Bowen v. Roy, rendu en 1986, la Cour Suprême adopte une position nettement moins protectrice à l’égard des revendications culturelles et religieuses des Amérindiens23. La question posée à la Cour consistait à déterminer si la Clause du libre exercice (Free Exercise Clause) du premier amendement obligeait le gouvernement à prendre en considération et à s’accommoder des objections religieuses au principe selon lequel les candidats aux allocations sociales devaient produire un numéro de sécurité sociale. En l’espèce, Stephen J. Roy et Karen Miller avaient demandé des allocations dans le cadre du programme Aid to Families with Dependent Children et du programme Food Stamp. L’obtention des allocations était conditionnée par l’obligation de fournir le numéro de sécurité sociale des membres du foyer. Or, les deux candidats ont refusé de se plier à cette exigence en arguant qu’attribuer un numéro de sécurité sociale à leur fille de deux ans, Little Bird of the Snow, contrevenait à leurs croyances religieuses. Le service social de Pennsylvanie a immédiatement suspendu le paiement des allocations sociales et de santé au bénéfice de l’enfant et a entrepris une procédure afin de réduire le montant des chèques repas accordés à cette famille. Selon la famille Roy, la Clause du libre exercice (Free Exercise Clause) du premier amendement de la Constitution, devait leur permettre de bénéficier d’une exception à l’obligation de produire un numéro de sécurité sociale pour leur fille. En effet, devant la Cour de District, Roy, Amérindien descendant de la tribu Abenaki, a justifié sa position en expliquant que, depuis ses récentes conversations avec un chef Abenaki, il était convaincu que la technologie volait l’esprit des hommes. L’attribution d’un numéro de sécurité sociale pour identifier sa fille, ainsi que l’utilisation de ce numéro d’identification dans le cadre d’autres procédures qui échappent totalement à son contrôle, voleraient son esprit et l’empêcheraient d’atteindre un degré de spiritualité supérieur24. Dans son arrêt, la Cour de District interdit aux
23 Bowen v. Roy, 476 U.S. 693, 106 S.Ct. 2147 (1986).
24 Bowen v. Roy, 476 U.S. 693. Il sera démontré durant le procès qu’en réalité la fille de Roy se sera déjà vue attribuer un numéro de sécurité sociale, sans doute à l’insu des parents. Le gouvernement a dès lors considéré que le procès n’avait plus de sens étant donné que l’âme de la fille de Roy avait déjà été volée. Toutefois, Roy
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agences de sécurité sociale d’utiliser ou de communiquer le numéro de sécurité sociale de la fille de Roy mais les enjoint à refuser toute assistance sociale au profit de Little Bird of the Snow jusqu’à l’âge de 16 ans en raison du refus de ses parents de produire le numéro de sécurité sociale demandé. Devant la Cour Suprême également, Roy invoquait la protection de la Clause de libre exercice (Free exercise clause), estimant que l’exigence du Congrès conditionnant le bénéfice d’aides sociales à la communication d’un numéro de sécurité sociale et exigeant de la part des agences sociales l’utilisation de ces numéros pour administrer leurs programmes sociaux, affectaient ses croyances. La Cour Suprême va annuler l’arrêt de la Cour de District et renvoyer l’affaire. La décision de la Cour est adoptée à huit contre un. Elle constate qu’elle n’a jamais interpréter le premier amendement comme exigeant de la part du gouvernement qu’il adapte son comportement afin d’accommoder les croyances individuelles et le développement spirituel d’un individu ou d’une famille. La Clause du libre exercice (Free Exercise Clause) ne peut en aucun cas être entendue comme dictant au gouvernement la manière dont il doit conduire ses affaires internes. Autrement dit, si le gouvernement ne peut en aucun cas intervenir dans les choix religieux et les pratiques religieuses de la famille Roy, cette dernière ne peut imposer ces choix au gouvernement en lui demandant de ne pas utiliser un numéro d’identification de leur fille. Selon la Cour, la Clause de libre exercice (Free Exercise Clause) impose une obligation négative à charge du gouvernement, mais ne permet nullement à un individu d’exiger de la part du gouvernement qu’il adapte ou amende ses pratiques pour se conformer aux revendications religieuses particulières d’un individu25. Notons que Roy a également invoqué, sans succès, une résolution du Congrès concernant la protection des pratiques religieuses des Amérindiens. La Cour Suprême juge que si cette résolution explicite clairement le rôle confié à la Clause du libre exercice du premier amendement, elle reste convaincue que l’utilisation du numéro de sécurité sociale par le gouvernement n’enfreint nullement la liberté de Little Bird of the Snow de croire, d’exprimer ou d’exercer sa religion26. Sur cette base, la Cour Suprême juge que l’administration pouvait utiliser le numéro de sécurité sociale de Little Bird of the Snow. Roy contestait en outre la constitutionnalité, non pas seulement de l’usage de ce numéro de sécurité sociale, mais le fait que le Congrès conditionnait le bénéfice d’allocations sociales à la communication d’un numéro de sécurité sociale. La Cour rappelle les termes de l’arrêt Reynolds indiquant que la liberté d’exercer sa religion n’est pas absolue et peut faire l’objet de certaines limitations. En l’espèce, la Cour Suprême juge que l’obligation de fournir un numéro de sécurité sociale pour bénéficier des allocations sociales était
a convaincu la Cour de poursuivre l’examen de sa plainte en arguant que c’était essentiellement l’utilisation de ce numéro de sécurité sociale qui était susceptible de « voler son âme ».
neutre sur le plan religieux et d’application uniforme. Cette exigence n’était pas de nature à discriminer entre les religions. Elle n’impose pas à un individu, par contrainte ou sanction, un comportement contraire à ses pratiques religieuses ou l’interdiction de pratiquer sa religion. Tout au plus, elle peut inciter indirectement un candidat au bénéfice des allocations sociales à opérer un choix. Rien n’oblige les Roy à demander le bénéfice des allocations sociales, mais s’ils le font, ils doivent respecter les conditions uniformément applicables en la matière. 27
En conclusion sur ce point, la Cour affirme que la régulation qui, de manière indirecte ou incidente, impose de choisir entre demander à bénéficier d’allocations sociales et respecter ses croyances religieuses est fondamentalement différente de l’adoption par le gouvernement d’une pratique ou d’une loi criminalisant une pratique religieuse ou obligeant impérativement et positivement une personne à exercer un comportement en contravention avec ses croyances. Bien que le refus gouvernemental d’octroyer des allocations sociales ou des avantages à certaines personnes peut soulever des questions sous l’angle de la Clause du libre exercice, la protection constitutionnelle n’est pas la même dans l’un ou l’autre cas. Le gouvernement ne peut accorder l’exception requise par la famille Roy pour deux raisons principales. D’une part, pour des raisons pratiques évidentes liées à la complexité d’administration des allocations sociales. Accorder une exception obligerait le gouvernement à instaurer une procédure particulière de traitement des demandes au cas par cas afin d’accommoder les revendications de chaque groupe religieux. D’autre part, le gouvernement ne peut en aucun cas favoriser les candidats religieux au détriment des candidats non religieux. La Cour rejette explicitement l’applicabilité du test de l’intérêt primordial (compelling interest test) de la jurisprudence Yoder. Elle estime en effet que lorsqu’il s’agit de l’application d’une législation neutre et uniforme concernant des millions d’individus, le gouvernement doit jouir d’une marge de manoeuvre, indispensable à sa gestion administrative, plus large. Dès lors que la législation est neutre et uniformément applicable, l’Etat peut se contenter de démontrer que l’exigence constituait un moyen raisonnable pour promouvoir un intérêt public légitime. La Cour énonce, de manière générale, que certaines contraintes, neutres, sur le libre exercice de la religion de certains sont inévitables en raison précisément de la
diversité des croyances et du pluralisme de la société américaine et de la nécessité d’octroyer au gouvernement une marge de manoeuvre opérationnelle suffisante28.
L’arrêt Lyng, rendu en 1988, n’est pas plus favorable aux Amérindiens. En l’espèce, la Cour a dû trancher la question de savoir si la liberté de religion protégée par le premier amendement était de nature à interdire au gouvernement de construire une route traversant un territoire utilisé traditionnellement par les membres de plusieurs tribus indiennes à des fins religieuses29. La Cour répond par la négative. Afin de relier deux villes californiennes (Gasquet et Orleans), le United States Forest Service devait construire un segment de route de 6 miles traversant un territoire utilisé à des fins religieuses par plusieurs tribus indiennes (ce territoire était en grande partie protégé par des législations du Congrès et de l’Etat californien). Conscient de ce problème le Forest Service effectuera une étude d’impact pour lui permettre de choisir le lieu de la construction le moins dommageable possible. Malgré ces efforts, plusieurs associations indiennes, ainsi que l’Etat de Californie, vont intenter une action en justice contre le Forest Service en invoquant, inter alia, la protection du premier amendement. La Cour de District et la Cour d’appel du 9ème circuit ont considéré que le projet de création de route était effectivement de nature à affecter la liberté religieuse des Indiens et que l’Etat n’avait pas pu démontrer l’existence d’un intérêt primordial. Si la Cour admet que les croyances religieuses des indiens sont sincères et que les travaux envisagés sont de nature à affecter leur liberté religieuse, elle rejette l’argument qui consiste à exiger de l’Etat qu’il démontre un intérêt primordial. La Cour rappelle les termes de l’arrêt Bowen v. Roy, rendu en 1986, étudié ci-dessus, en affirmant une nouvelle fois que la protection de la liberté de religion ne signifie pas que le gouvernement doit s’accommoder des revendications religieuses individuelles. Elle implique tout au plus que l’Etat ne peut interférer dans les choix religieux des individus, mais ne peut être interprétée comme signifiant que l’individu a le pouvoir de dicter au gouvernement la manière dont il doit conduire ses affaires intérieures30. Or, la Cour, dans l’arrêt Lyng, estime que la construction d’une route sur un territoire public fédéral est une situation comparable – dans l’analyse de la portée du premier amendement – à celle de l’attribution d’un numéro de sécurité sociale. La Cour soutient que bien qu’elle accepte que la construction de la route litigieuse détruira virtuellement la possibilité pour les Indiens de pratiquer leur religion, elle affirme qu’aucune disposition constitutionnelle ne permet de les protéger en
. La Cour refuse d’appliquer le test de l’intérêt primordial et impose le respect de la propriété de l’Etat sur le territoire fédéral au détriment de la liberté religieuse des Amérindiens. Trois juges (Brennan, Marshall et Blackmun) ont rédigé une opinion dissidente particulièrement tranchée estimant que ces Indiens devaient bénéficier de la protection constitutionnelle et qu’il fallait prendre en considération la nature particulière de leurs croyances qui justifiait que le territoire au centre du litige était sacré et ne pouvait en aucun cas être perturbé. l’espèce31. Le premier amendement doit s’appliquer à tous de manière égale et ne donne en aucun cas un droit de véto aux individus sur la réalisation des programmes gouvernementaux32
Ce cas mérite d’être comparé à l’affaire Hopu contre France traitée par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies33. En l’espèce, le Comité accepte de considérer que les liens entre des individus et leurs ancêtres peuvent constituer un élément essentiel de leur identité et jouer un rôle important dans leur vie de famille34. La construction d’un
Il mérite d’être comparé également avec la jurisprudence de la Cour interaméricaine qui adopte une position très protectrice au profit des populations autochtones. Sur le plan conceptuel, la Cour consacre le principe de la propriété collective. Les travaux préparatoires de la Convention de San José révèlent que la formulation « toute personne a le droit de propriété privée » a été remplacée par le « droit d’user et de jouir de ses biens ». Rappelant que les termes d’un traité international sur les droits de l’homme sont autonomes du sens qu’il leur est donné en droit interne et que ces traités doivent être interprétés de manière dynamique, conformément aux évolutions de la société et aux conditions de vie actuelles, la Cour juge que l’article 21 de la Convention protège également le droit de propriété communautaire des membres des communautés autochtones. La propriété privée centrée sur l’individu n’a que peu de place dans les communautés autochtones qui considèrent, conformément à leurs traditions, que les terres appartiennent collectivement à la communauté. La position de la Cour est conforme à la tradition constitutionnelle latino-américaine qui reconnaît et consacre la possession de la terre par les peuples ou communautés indigènes sur base d’un titre de propriété collective ou sur base de leur possession ancestrale. Voir à ce sujet : HERNAN SALGADO PESANTES, Vote séparé (Motivé concordant), en annexe de CourIADH, Affaire de la Communauté Mayagna (Sumo) Awas Tingni c. Nicaragua, 31 août 2001, Arrêt sur le fond, Série C. n°79 ; S. GARCIA RAMIREZ, Vote séparé (Motivé concordant), en annexe de CourIADH, Affaire de la Communauté Mayagna (Sumo) Awas Tingni c. Nicaragua, 31 août 2001, Arrêt sur le fond, Série C. n°79. La terre n’y est pas une question de possession et de production, mais un élément matériel et spirituel dont les communautés autochtones doivent pouvoir jouir pleinement notamment afin de préserver leur culture et de la transmettre aux générations futures. Le lien fondamental entre les indigènes et leur terre doit être reconnu et considéré comme le fondement de leur culture, de leur vie spirituelle, de leur intégrité et de leur survie économique. La seule possession de leur terre doit valoir titre leur permettant d’obtenir la reconnaissance de leur droit de propriété. L’Etat viole le droit à la propriété collective des membres d’une communauté autochtone s’il ne délimite pas clairement leur territoire et ne leur octroie pas de titre de propriété sur celui-ci, et même en l’absence de toute délimitation, il viole l’article 21 s’il commet ou tolère des actes qui affectent l’usage ou la jouissance des biens situés dans la zone géographique habitée par les indigènes et au sein de laquelle ils exercent leurs activités. CourIADH, Affaire de la Communauté Mayagna (Sumo) Awas Tingni c. Nicaragua, 31 août 2001, Arrêt sur le fond, Série C. n°79, par. 149-153.
complexe hôtelier sur un terrain impliquant la destruction du cimetière où reposent les ancêtres des auteurs de la communication, constitue une ingérence dans leur vie privée jugée, en l’espèce, contraire à l’article 17 du Pacte international sur les droits civils et politiques35. La solution retenue par la Cour Suprême des Etats-Unis est radicalement différente.
IV. - AFFAIRE SMITH : USAGE RELIGIEUX DU PEYOTE
Les Amérindiens ne bénéficieront pas d’une décision plus favorable dans l’arrêt Smith rendu en 199036. En l’espèce, Alfred Smith et Galen Black avaient été licenciés pour avoir consommé du peyote au cours d’une cérémonie de la Native American Church. Après ce licenciement, ils se verront refuser le bénéfice des allocations de chômage étant donné que le service social considérera que leur licenciement se fondait sur une « misconduct » de leur part, motif d’exclusion du bénéfice des allocations de chômage. Dans cette affaire, la Cour devait donc décider si l’Etat d’Oregon pouvait ou non prohiber pénalement l’usage religieux du peyote et, sur cette base, refuser aux personnes licenciées en raison de leur consommation illégale de peyote à des fins religieuses le bénéficie d’allocations de chômage. La Cour Suprême affirme en l’espèce, d’une part, que la Clause du libre exercice n’empêchait nullement l’application de la réglementation en matière de stupéfiant à l’usage du peyote à des fins religieuses, et, d’autre part, que l’Etat d’Oregon pouvait, sans contrevenir à la liberté de religion, priver les usagers de peyote de l’accès aux allocations de chômage.
Conformément à la jurisprudence de la Cour Suprême, en principe, l’Etat ne peut conditionner le bénéfice des allocations sociales à la renonciation de pratiques religieuses. En conséquence, si l’interdiction de l’usage du peyote est constitutionnelle, rien ne peut s’opposer à la décision de l’administration en charge de la distribution des allocations de chômage d’en refuser le bénéfice aux consommateurs d’une telle substance illicite37. La Cour juge que la liberté d’exercer et de pratiquer sa religion ne peut en aucun cas justifier qu’un individu soit dispensé de respecter le droit en vigueur38, dès lors que ce droit est valide, neutre et généralement applicable39. Elle rejette l’idée selon laquelle une pratique ou un comportement accompagné ou justifié par des croyances religieuses doit échapper à
35 Voir également : DAVID KRETZMER et THOMAS BUERGENTHAL, Opinion individuelle (dissidente), cosignée par NISUKE ANDO et LORD COLVILLE, en annexe de CDH, Francis Hopu et Tepoaitu Bessert c. France, 29 décembre 1997, CCPR/C/60/D/549/1993/Rev.1.
Droits fondamentaux, n° 5, janvier - décembre 2005 www.droits-fondamentaux.org 14 (prov.) Ludovic HENNEBEL
toute régulation40. Enfin, la Cour refuse explicitement d’appliquer le compelling interest test de la jurisprudence Sherbert au cas d’espèce. Toutefois, la différence essentielle entre l’affaire Sherbert et l’affaire Smith réside dans le fait que la consommation de peyote est explicitement prohibée par le droit, alors que le refus de travailler le samedi n’est pas illégal. Les arrêts rendus par la Cour Suprême concernant le bénéfice d’allocations sociales appliquant le test visent des cas dans lesquels l’Etat doit étendre l’applicabilité d’exceptions religieuses lorsqu’il existe déjà un mécanisme d’exemption individuelle, sauf s’il peut démontrer un compelling interest pour refuser d’octroyer l’exception en l’espèce41. Par contre, l’application du test au cas d’espèce mènerait à la consécration du droit pour un individu d’ignorer le droit généralement applicable, ce qui serait une anomalie constitutionnelle42.
En réaction à cet arrêt, le Congrès a adopté en 1993 le Religious Freedom Restoration Act43 (ci-dessous le RFRA), destiné à réinstaurer le test de l’intérêt primordial destiné à
40 Employment Division v. Smith, 494 U.S. 872, 882.
41 Employment Division v. Smith, 494 U.S. 872, 885 : To make an individual’s obligation to obey such a law contingent upon the law's coincidence with his religious beliefs, except where the State's interest is “compelling” – permitting him, by virtue of his beliefs, “to become a law unto himself,” Reynolds v. United States, 98 U.S.167 – contradicts both constitutional tradition and common sense.
Droits fondamentaux, n° 5, janvier - décembre 2005 www.droits-fondamentaux.org L’usage des drogues à des fins religieuses […] 15 (prov.)
limiter les ingérences étatiques dans l’exercice de la liberté de religion44. Toutefois, dans un arrêt City of Boerne v. Flores45, la Cour Suprême a jugé cette législation inconstitutionnelle. En l’espèce, un archevêque invoquait le RFRA contre le refus d’un permis de bâtir visant à étendre son église. La Cour Suprême a jugé qu’en adoptant le RFRA, le Congrès avait excéder les limites de ses compétences qui lui interdisaient d’imposer aux Etats fédérés des telles exigences. Selon le Congrès, réinstaurer le test de l’intérêt primordial n’était rien d’autre que mettre en oeuvre le quatorzième amendement, ce qu’il était en principe autorisé de faire. Mais, selon la Cour, en voulant contourner la jurisprudence Smith, le Congrès modifiait le contenu et le sens de la clause de la liberté religieuse. Seule une réforme de la Constitution ou une modification de l’interprétation de la Cour Suprême étaient de nature à « réformer » la jurisprudence Smith.
Il faudra attendre 16 ans avant que la Cour n’accepte de renverser sa jurisprudence Smith. Globalement, la Cour, durant ces 16 années, a considéré que la liberté religieuse ne pouvait justifier d’exceptions. Elle a considéré la Clause de libre exercice comme un principe d’égalité formelle. En résumé, on applique le test de l’intérêt primordial uniquement lorsque l’Etat interfère spécifiquement et directement dans une liberté religieuse (par exemple, si un Etat interdit de porter un foulard). Si l’ingérence est neutre et indirecte et que le droit s’applique à tous, la protection du premier amendement ne s’applique pas (par exemple, si un Etat interdit de porter un couvre-chef). Notons qu’à partir de 1994, sur initiative de Bill Clinton, l’usage du peyote à des fins religieuses échappe au contrôle des autorités publiques et les discriminations fondées sur la consommation du peyote sont interdites.
Si la Cour Suprême a jugé que le RFRA était inconstitutionnel46, la plupart des constitutionnalistes américains estiment qu’il restait néanmoins partiellement valide47. En effet, l’inconstitutionnalité du RFRA se fondait sur l’applicabilité générale de la législation – à l’Etat fédéral, aux Etats fédérés, et aux administrations locales. Or, le Congrès n’était pas compétent pour exiger que les législations des Etats et les législations locales respectent le compelling interest test, mais, il était compétent pour imposer à l’Etat fédéral le respect du compelling interest test. Le RFRA doit alors être perçu comme une législation spéciale permettant de fonder des exceptions à des législations telles que celles relatives à la prohibition des drogues. C’est cette interprétation que la Cour Suprême des Etats-Unis accepte de retenir, à l’unanimité, dans son arrêt rendu en février 2006 sur la consommation de thé hallucinogène à des fins religieuses.
44 Voy. R.F. DRINAN et J.I. HUFFMAN, « The Religious Freedom Restoration Act: A Legislative History », Journal of Law and Religion, 1993/1994, 531.
V. - GONZALES V. O CENTRO ESPIRITA BENEFICENTE UNIAO DO VEGETAL
Dans l’affaire du thé hallucinogène48, les membres d’une secte chrétienne d’origine brésilienne entraient en communion avec Dieu grâce à la consommation d’un thé hallucinogène appelé le hoasca. Il est concocté grâce à un mélange de plantes de la forêt amazonienne et contient une substance hallucinogène prohibée par le droit fédéral. Des inspecteurs des douanes ont intercepté une livraison de hoasca à destination des membres de la secte aux Etats-Unis. Ces derniers invoquaient la protection du Religious Freedom Restoration Act. Selon le gouvernement, la saisie et les poursuites pénales en l’espèce se justifiaient par un intérêt primordial qui couvrait trois aspects : la préservation de la santé des membres de la secte, la nécessité de prévenir la distribution de la substance litigieuse à des fins récréatives, et l’obligation d’assurer la mise en oeuvre de la Convention des Nations Unies sur les substances psychotropes de 1971. La Cour du 10ème circuit a confirmé la décision de la Cour de District qui avait jugé que l’Etat n’avait pas pu démontrer d’un intérêt primordial suffisant justifiant l’ingérence. La Cour Suprême a confirmé ces décisions et affirme que l’Etat doit appliquer le compelling interest test et la mise en balance des intérêts qu’il suppose pour juger de l’admissibilité des exceptions religieuses aux règles générales. Sur les deux premiers arguments du gouvernement, qui portaient sur la santé des consommateurs et les risques d’abus, la Cour reconnaît qu’il faut prendre dûment en compte la législation américaine en la matière qui prohibe les éléments hallucinogènes contenus dans le hoasca. Toutefois, la Cour note que cette législation peut s’accommoder d’exceptions, et cite à cet égard, inter alia, l’autorisation spécifique du Congrès permettant aux indiens de consommer du peyote. Contrant le plaidoyer en faveur de l’uniformisation de l’application de la législation sur les drogues, la Cour Suprême consacre l’idée d’une application au cas par cas visant à la reconnaissance d’exceptions religieuses. Quant au troisième argument, portant sur la mise en oeuvre de la Convention des Nations Unies sur les substances psychotropes, la Cour juge que le gouvernement s’est contenté de démontrer que le hoasca était prohibé par la Convention, sans pour autant prouver que l’exception religieuse litigieuse aurait des conséquences internationales ou affecterait un intérêt primordial49.
48 Gonzales v. O Centro Espirita Beneficente Uniao Do Vegetal, 546 U.S. __, 126 S.Ct. 1211, (2006).
49 Ce cas mérite d’être comparé à la décision rendue par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies dans l’affaire M.A.B., W.A.T. et J.-A.Y.T. contre Canada. En l’espèce, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies devait connaître d’une communication individuelle déposée par des figures de proue et « plénipotentiaires » de l'« Assembly of the Church of the Universe », dont les croyances et pratiques comprenaient le soin, la culture, la possession, la distribution, l'entretien, l'intégrité et le culte du « Sacrement » de l'Église, nommé par ses fidèles « l'Arbre de la vie de Dieu » et plus connu sous le nom de cannabis sativa ou marijuana. L’usage et le culte de la marijuana tombant sous le coup de la législation nationale prohibant l’usage de stupéfiants, le Comité devait déterminer si les auteurs de la communication pouvaient invoquer la protection de l’article 18 du Pacte international sur les droits civils et politiques. Or, le Comité a considéré en l’espèce qu’« une croyance qui consiste essentiellement ou exclusivement dans le culte et la distribution d'un stupéfiant ne saurait entrer dans le champ d'application de l'article 18 du Pacte ». CDH, M.A.B., W.A.T. et J.-A.Y.T. c. Canada, 25 avril 1994, Communication n°570/1993, CCPR/C/50/D/570/1993, par. 4.2. Une interprétation plus large du concept de « religion » aurait pu consister à retenir une approche subjective et accorder en l’espèce aux croyances des membres de l’« Assembly of the Church of the Universe » le statut de religion tout en autorisant l’Etat, conformément à l’article 18.3, à sanctionner la consommation de stupéfiants. Une telle restriction légale aurait pu se justifier comme étant nécessaire afin d’assurer la protection de la santé publique. En ce sens également : S. JOSEPH, J. SCHULTZ et
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M. CASTAN, The International Covenant on Civil and Political Rights : Cases, Materials, and Commentary, 2ème édition, Oxford University Press, New York, 2004, p. 505. De manière générale, le Comité observe que le droit de manifester sa religion ou ses convictions par le culte, l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement englobe des actes très variés. Le Comité note que « le concept de culte comprend les actes rituels et cérémoniels exprimant directement une conviction, ainsi que différentes pratiques propres à ces actes, y compris la construction de lieux de culte, l'emploi de formules et d'objets rituels, la présentation de symboles et l'observation des jours de fête et des jours de repos. L'accomplissement des rites et la pratique de la religion ou de la conviction peuvent comprendre non seulement des actes cérémoniels, mais aussi des coutumes telles que l'observation de prescriptions alimentaires, le port de vêtements ou de couvre-chefs distinctifs, la participation à des rites associés à certaines étapes de la vie et l'utilisation d'une langue particulière communément parlée par un groupe. En outre, la pratique et l'enseignement de la religion ou de la conviction comprennent les actes indispensables aux groupes religieux pour mener leurs activités essentielles, tels que la liberté de choisir leurs responsables religieux, leurs prêtres et leurs enseignants, celle de fonder des séminaires ou des écoles religieuses, et celle de préparer et de distribuer des textes ou des publications de caractère religieux ». CDH, Observation générale n°22 : Le droit à la liberté de pensées, de conscience et de religion (article 18), 30 juillet 1993, par. 4.
Cette courte décision de la Cour Suprême consacre une approche assez libérale en termes de droits et libertés, en faveur d’une interprétation souple de l’exercice des pratiques religieuses. Par contre, les constitutionnalistes regrettent sans doute que la Cour n’explique pas plus avant son revirement de jurisprudence par rapport à l’arrêt Smith dans lequel elle excluait précisément les exceptions individuelles à la règle générale. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’effectivité du revirement de jurisprudence, étant donné l’absence d’explication de la Cour : le précédent relatif à la consommation de drogue à des fins religieuses est-il l’arrêt de 2006 sur le thé hallucinogène ou l’arrêt de 1990 sur le peyote ? Car si ce dernier arrêt devait être considéré comme bad law, la Cour n’avait-elle pas l’obligation de s’expliquer ? Il ne fait aucun doute, malgré l’arrêt sur le thé hallucinogène, que la question de l’usage des drogues à des fins religieuses devant la Cour Suprême, est loin d’être close.
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Les grandes lignes du plan gouvernemental 2008-20111.

Prévenir, Communiquer, InformerPrévenir la consommation des droguesRappeler le cadre légal et réglementaire qui régule la consommation de drogues et d’alcoolRelégitimer les adultes dans leur rôle de principal acteur de préventionPrévenir les conduites d’alcoolisation massive des jeunes publics et modifier les représentations par rapport à l’alcool Mettre en oeuvre une politique de prévention adaptée dans les établissements de l’enseignement supérieur et les grandes écoles Développer une politique de prévention au sein des établissements scolaires des 1er et 2nd degrés en mettant à la disposition de la communauté scolaire les outils et les ressources nécessairesFormer des intervenants en milieu scolaire et universitaire pour faire évoluer les représentations des différents acteursRéduire les pratiques addictives en milieu de loisirs éducatifs et sportifs Réduire les accidents professionnels, l’absentéisme et les risques liés à l’usage de stupéfiants d’alcool et autres substances psychoactives Réduire les pratiques dopantes dans le milieu du sport amateur ou récréatif Prévenir la récidive de l’usage et du trafic de drogues chez les publics sous main de justicePrévenir la délinquance liée à l’usage et au trafic de drogues sur les territoires politique de la villeConcevoir des campagnes d’information adaptées au contexte socio-culturel des DOM Informer les résidents étrangers venant séjourner en France sur la législation applicable en matière de drogues2. Appliquer la loi Lutter contre le trafic en développant moyens et méthodes d’investigation/d’intervention innovantsLutter contre la cybercriminalité visant à promouvoir l’usage de drogues ou à faciliter le traficLutter conter les phénomènes d’alcoolisation massive et précoceLutter contre la culture illicite de cannabis en FranceLutter contre le trafic de précurseurs chimiques de droguesAméliorer la gestion du volet patrimonial des enquêtes portant sur le trafic de stupéfiantsLutter contre le trafic international sur les routes de la drogueMieux sanctionner les infractions liées à l’usage3. Soigner, Insérer, Réduire les risquesInscrire le plan de prise en charge et de prévention des addictions dans le plan gouvernementalAméliorer les compétences des professionnels dans le domaine de la prévention individuelle ciblée et de la prise en charge Améliorer la prise en charge sanitaire et sociale des jeunes consommateurs Etendre la couverture territoriale des communautés thérapeutiquesDévelopper de nouvelles modalités de prise en charge des usagers de cocaïneAméliorer la prise en charge et la continuité des soins délivrés aux usagers de drogues et d’alcool incarcérés Préserver la santé de l’enfant à naître et de la mère et prendre en compte les spécificités des femmes usagères de drogues et d’alcool Réduire les risques sanitaires liés à l’usage de droguesRéduire la morbidité et la mortalité liées à l’hépatite C chez les usagers de droguesAméliorer l’insertion et la réinsertion sociales des personnes présentant une addiction Réduire l’usage détourné de médicaments et protéger leur valeur thérapeutique4. Former, Chercher, Observer Mettre en place une formation interministérielle des formateurs en matière de drogues et de toxicomanie et des formations initiales et continues dans chacun des ministères concernésProfessionnaliser les acteurs de santé dans le domaine des addictions en agissant sur les formations initialesDévelopper la recherche dans des domaines transversaux prioritaires en regard des besoins de l’action publique Développer le potentiel de recherche sur les drogues et sur les phénomènes d’addiction Développer la recherche clinique en addictologie pour accroître l’efficacité des traitements et améliorer les pratiques de soinsAssurer une veille scientifique prospective sur des phénomènes émergents ou insuffisamment explorés par les administrations en charge de la politique des drogues Développer l’observation des usages de drogues dans des domaines prioritaires en regard des besoins de l’action publiqueDévelopper un savoir faire en matière d’évaluation, le mettre en pratique afin d’améliorer la mise en œuvre et l’efficacité de la politique publique5. Agir au plan international Agir dans les enceintes internationales pour plus de coordination et de mutualisationAgir sur les routes de la drogue, notamment sur leurs points d’arrivée dans l’espace européenDévelopper la coopération méditerranéenne dans la lutte contre la drogue.

Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-2011

Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie

Paris ; La Documentation française ( Collection des rapports officiels )
Adopté le 8 juillet 2008, le nouveau Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies s'est fixé l'horizon 2011 pour faire reculer les consommations de drogues illicites et les consommations excessives d'alcool en France. Il se décline en cinq grands axes d'action : prévenir, communiquer, informer ; faire appliquer la loi ; soigner, insérer et réduire les risques ; former, chercher, conserver ; agir au plan international. Le nouveau plan repose d'abord sur une extension du domaine de la prévention, en élargissant ce registre aux mesures pouvant avoir un effet dissuasif sur les consommations : renforcement de la confiance des adultes dans leur capacité à protéger les plus jeunes des consommations ou des modes de consommations dangereux via notamment une campagne d'information, mise en place des stages de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, réduction de l'offre d'alcool aux mineurs pour lutter contre le « binge drinking » (alcoolisation massive express). Le plan prévoit également de conduire des actions contre la culture illicite de cannabis et l'offre de drogues sur Internet, avec la mise en place - , au niveau européen - d'une structure permettant de mieux gérer les biens criminels saisis, de renforcer la coopération policière et douanière, y compris aux frontières de l'Union avec les pays de la région Méditerranée. Par ailleurs, le plan diversifie le dispositif de prise en charge sanitaire et sociale des addictions en ciblant les populations exposées et vulnérables, et au risque accru de contamination de l'hépatite C. tout en étudiant, dans une démarche pluridisciplinaire les différentes causes de ces parcours. Enfin, afin qu'une évaluation de l'action puisse être conduite en 2011, le plan comprend des objectifs opérationnels assortis d'indicateurs de mise en oeuvre et d'efficacité.

MGR PAUL VERDZEKOV, ARCHEVEQUE EMERITE DE BAMENDA : Lettre ouverte aux prêtres

Les jeunes, esclaves de l'alcool et de la drogue : un scandale !

L'Abbé Gilbert Damba Wana, prêtre du Diocèse de Maroua-Mokolo a adressé aux jeunes de cette Eglise particulière, un message sans complaisance sur les dangers qui les guettent, lorsqu'ils abusent de la consommation de l'alcool et de la drogue. C'est un message qui s'adresse à tous les jeunes du Cameroun au moment où ils célèbrent leur fête nationale.
" L'alcool est un tyran, un maître sans pitié. Dès le premier contact, il nous intéresse et nous cherchons absolument à tisser des liens avec lui. Il se comporte en ami fidèle, soucieux des problèmes qui sont les nôtres: (nos études, notre avenir). Il nous caresse par le bon bout pour nous faire 'oublier' les difficultés de la vie " écrit Eugène Ndobouï
" Avec le vin ne joue pas au plus fort car il fait le malheur de beaucoup de gens " Ecclésiastique 31, 25
Bien chers jeunes,
Nous vous l'avons dit souvent et nous le redisons aujourd'hui avec des larmes, car beaucoup d'entre vous se conduisent en ennemis de la Croix du Christ… Ils ont pour dieu leur ventre et mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils n'apprécient que les choses de la terre. Pour nous, notre cité se trouve dans les cieux, d'où nous attendons ardemment comme Sauveur, le Seigneur Jésus Christ (Cf. Ph 3, 18-20).
Nous sommes à une phase décisive de notre vie. C'est le moment pour nous de poser les bases de notre avenir, de notre vie future. Et pour que ce futur soit le plus meilleur possible (ce qui est d'ailleurs le souhait de chacun de nous j'espère bien !), il faut que ces bases soient solides. Il nous faut construire sur le roc comme le souligne Jésus en parlant de la condition des vrais disciples (Cf. Mt 8, 24). Construire notre avenir sur le roc signifie intégrer et vivre certaines valeurs telles que le goût du travail, la chasteté (le respect de sa sexualité), l'honnêteté, le courage, l'amour de la vérité, la maîtrise de soi devant certains fléaux tels que l'alcool et la drogue.
C'est sur les deux derniers éléments (l'alcool et la drogue) que nous voulons mener ensemble avec vous une réflexion qui partira de l'analyse de la situation des jeunes face à l'alcool et la drogue, les causes qui expliquent cette situation et les conséquences, et quelques pistes de solutions à envisager pour nous en sortir.
Cette année, nous avons choisi avec l'ensemble du Diocèse, de réfléchir sur la qualité de notre témoignage de vie en tant que chrétiens : " Que votre lumière brille devant les hommes afin que les hommes voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est aux cieux " (Mt 5, 16). Notre lumière peut-elle alors briller lorsque bon nombres d'entre nous font de l'alcool une idole (c'est-à-dire une chose à laquelle on donne la première place, à laquelle on consacre beaucoup de temps) ?
La jeunesse de notre Diocèse est menacée par l'alcool, et de plus en plus par certains produits apparentés à la drogue (Diase-pan, Tramol, Wouiwoui, Rasta, Dissolution, D 10…) dont la commercialisation est facilitée par la proximité avec le Nigeria. C'est un phénomène qui touche directement ou indirectement tous les jeunes, croyants ou non, mariés ou non. Et cela constitue un véritable frein pour l'avenir, aussi bien des jeunes que de l'ensemble des populations. A ce propos, dans sa Lettre de Carême 2008, notre Evêque nous fait constater " qu'aucun travail sérieux, que ce soit au plan de la catéchèse, au plan de la formation ou au plan de la promotion humaine ne peut être entrepris dans nos communautés si l'alcoolisme continue à être la première préoccupation ".
Certains jeunes qui sont au village et qui ne vont pas ou plus à l'école consacrent la grande partie de leur temps dans la fréquentation régulière et assidue des marchés périodiques de bili-bili qui se créent malheureusement davantage dans nos quartiers et villages. Ils maîtrisent tous les programmes des marchés et y vont le plus souvent aux environs de 13h. Lorsque le marché est proche de la maison, c'est tôt le matin qu'on y va souvent (on va prendre le petit déjeuner dit-on). Le retour du marché se fait généralement tard le soir autour de 18h 30, et plus tard lorsque c'est la pleine lune.
On rentre alors saoul, cherchant parfois à tâtons le chemin du retour. Les disputes et bagarres rythment le plus souvent le retour, lorsqu'elles ne se déclenchent pas à l'intérieur même du marché. Arrivés à la maison, la moindre parole des parents, de l'époux ou de l'épouse donne lieu à des réactions violentes qui dégénèrent assez facilement en bagarres (les enfants qui frappent sur leurs parents, les époux sur les épouses…). Dans ces marchés, l'on ne boit pas seulement le bili-bili ordinaire. On y ajoute parfois des comprimés apparentés à la drogue. Le nombre de comprimés varie selon les capacités et habitudes des uns et des autres.
Les jeunes élèves ne sont pas en marge du fléau de l'alcoolisme et de la drogue. Bon nombres d'entre eux s'absentent des classes (ils driblent les cours) pour se rendre dans des cabarets situés dans les alentours de certains établissements (le vin disent-ils, donne des idées claires). Ils y vont en tenue de classe. D'autres parmi eux s'arrêtent dans les cabarets et bars au retour des classes. Ceux qui se maîtrisent un peu arrivent d'abord à la maison, avant de ressortir immédiatement pour aller dans le marché périodique le plus proche. Le soir, ils n'ont plus assez de temps pour réviser les leçons du lendemain ou pour préparer les évaluations séquentielles.
Tout laisse croire que nous les jeunes, nous sommes devenus presque esclaves de l'alcool. Et ce constat se renforce davantage lors des fêtes traditionnelles, civiles et même religieuses. Parmi les jeunes devenus esclaves de l'alcool, nous retrouvons des catholiques ; certains d'entre eux sont même engagés et ont parfois des responsabilités dans les mouvements et groupes de jeunes de nos paroisses et districts paroissiaux.
Il y a quelques années en effet, ce problème ne se posait pas avec une ampleur aussi grande qu'aujourd'hui. Comment en sommes-nous arrivés là ? Qu'est ce qui nous a poussés à un tel acharnement derrière l'alcool et la drogue ? Et comment faire pour nous libérer de ce fléau ?
Nous allons mener ensemble une réflexion avec nos Aumôniers et Sœurs conseillères sur l'alcoolisme en milieu jeune et les moyens de contourner cet autre mal du siècle.
Pour le Comité Jeunes
Abbé Gilbert Damba Wana

Maroua : Le trafic et la traite des enfants préoccupent

Les forces de l'ordre invitées à s'impliquer pour combattre le phénomène.

L'une des images fortes qui s'offrent au visiteur à Maroua est le nombre impressionnant d'enfants de la rue. Certains traînent au coin de la rue, d'autres sont recrutés pour diverses tâches dans les foyers. De sources bien formées, des réseaux de recrutement puissamment organisés ont pour mission de fournir une main d'œuvre ailleurs dans le pays ou dans les Etats voisins. La situation de ville-carrefour qu'est Maroua fait de cette agglomération une plaque tournante pour la traite et le trafic des enfants. Des victimes parfois acheminées dans les grandes villes pour être enrôlées dans les réseaux de mendicité, de trafic de drogue, de prostitution et de pornographie. Majoritairement analphabètes, ces enfants viennent généralement des localités où les conditions de vie sont précaires.
Le phénomène prend de l'ampleur malgré la discrétion qui entoure l'identité des acteurs. Il faut donc agir pour mettre fin à ce fléau qui mine l'enfance dans cette partie du pays. L'Association Enfants, Jeunes et Avenir (ASSEJA) veut se mettre en travers de ce phénomène. C'est l'un des objectifs du séminaire qu'elle vient d'organiser à Maroua. La trentaine de participants qui se recrutent essentiellement parmi les forces du maintien de l'ordre, ont été sensibilisés sur le trafic et la traite des enfants afin de détecter, démanteler et réprimer les réseaux de traite et dénoncer les acteurs au niveau local.
A travers des exposés et des cas pratiques encadrés par les avocats et les responsables de l'organisation, les séminaristes ont été édifiés sur l'ampleur du phénomène. Ils ont été éclairés sur les conventions internationales et les sanctions prévues par la loi du 29 décembre 2005 relative à la lutte contre le trafic et la traite des enfants. De l'avis d'Odilon BELA, responsable de l'antenne ASSEJA de Maroua, cette session de formation permettra à terme d'aboutir « à une coordination des actions de répression de la traite et au renforcement de la collaboration entre l'ONG, les comités de vigilance et les différents corps pour référence des cas démantelés ».

samedi 20 février 2010

Maroua et ses environs: Enquête sur la drogue

AVANT – PROPOS
Le milieu jeune, de nos jours, fait face à plusieurs fléaux sociaux parmi lesquels les IST, le VIH/SIDA, l’alcoolisme, la drogue, etc. Parlant de cette dernière, l’ampleur que ce phénomène prend est à décrier. De par le monde, on note un flux important du narcotrafic. Les Etats font des efforts pour endiguer ce fléau mais en vain. Certes, la répression du narcotrafic et de la consommation peut dissuader les jeunes à consommer ou à trafiquer les produits stupéfiants, mais elle nous semble insuffisante. Comment lutter efficacement contre la consommation et le trafic de la drogue en milieu jeune ? On ne le dira jamais assez, « la jeunesse est le fer de lance de la nation », de ce fait, elle doit être protégée contre tous les fléaux qui pourraient entraver l’accomplissement de cette prérogative qui est la sienne.
Volontaires Sans Frontières, dans le cadre de ses activités d’éducation sanitaire, voudrait apporter sa contribution dans l’analyse de la question de la consommation de la drogue et du trafic des produits stupéfiants dans la Région de l’Extrême-Nord tout en ciblant le Département du Diamaré comme la zone pilote d’étude. Les recommandations contenues dans le rapport d’étude seront portées à l’attention des pouvoirs publics et de tous les intervenants dans le domaine social.
Aussi voudrions-nous reconnaître que cette étude n’aura jamais été possible sans le concours des uns et autres. Dans ce sens, nous voudrions manifester notre gratitude à l’endroit de tous ceux qui ont contribué ou facilité la réalisation de cette étude.
Tout d’abord, nous adressons nos sincères remerciements aux pouvoirs publics à travers les Services Déconcentrés de l’Etat qui ont bien voulu faciliter les opérations de collectes des données dans toute la circonscription administrative visée par l’étude.
Nos remerciements vont enfin aux acteurs de l’enquête pour leur total engagement et leur volonté manifeste à couvrir tout l’échantillon de l’étude.


INTRODUCTION
Au cours du mois de septembre 2009, VSF a mené une enquête sur la drogue en milieu jeune dans la ville de Maroua et ses environs. Elle a été réalisée auprès de deux mille jeunes pris comme échantillon. Pour mener à bien cette étude, VSF s’est rapprochée des jeunes sans emplois, des moto-taximen et des jeunes vacanciers pour une causerie autour du sujet. Ce sont donc ces éléments qui nous ont aidés à monter la fiche d’enquête. En parcourant ce document, vous découvrez entre autre ce qu’on entend par drogue, l’opposition drogue licite/drogue illicite, la drogue récréative, l’opposition drogue douce/drogue dure, l’opposition drogue de synthèse/drogue naturelle et les principaux résultats de ladite enquête.


CONTEXTE ET JUSTIFICATION

La vie de nos jours dans la ville de Maroua et ses environs est marquée par un certain nombre de fléaux sociaux. C’est notamment le cas de la recrudescence des accidents de la circulation causés par des moto-taximen. Ceux-ci sont généralement en état d’ébriété lorsqu’ils transportent leurs passagers. Excès de vitesse, non respect du code de la route, sont les causes les plus courantes de ces accidents.
Ceux-ci ne sont pas les seuls problèmes existant. On note également une récurrence des cas de viols orchestrés par les jeunes généralement sans emploi. Ces derniers font très souvent partie des bandes qu’on peut observer ça et là dans les rues. Ils occupent souvent les lits de rivières, grands bâtiments abandonnés, montagne et autres buissons.
Les comportements déviants ne se limitent guère à la petite délinquance, nous notons une avancée galopante du grand banditisme. Le phénomène de braquage, agression, coupeurs de route sont légion ; avec des jeunes biens équipés en armes plus ou moins sophistiquées semant la terreur en ville comme en campagne.
Il y a quelques années de cela, il était rare de voir des personnes manifestant des comportements dignes de consommateurs de drogue ni même des produits stupéfiants circulant à découvert dans les rues. Le constat qui se dégage aujourd’hui est alarmant. C’est tout le contraire. On note une quasi indifférence des services de maintien de l’ordre qui sont sensés protéger les biens et les personnes. Et de surcroit une Inertie des services déconcentrés du ministère de la santé publique qui ont pour mission de mettre en valeur l’arrêté ministériel interdisant la vente illicite des médicaments dans la rue.

OBJECTIFS ET RESULTATS ATTENDUS
Objectif Global
· Cerner les causes possibles de la consommation de la drogue par les jeunes selon le point de vue des différents acteurs et intervenant dans la problématique dans la ville de Maroua et ses environs.

Objectif Spécifiques

· Circonscrire les influences des facteurs socioculturels (us et coutumes, croyances et religions, classe social) sur la propension des jeunes à consommer les stupéfiants.

· Identifier l’incidence des facteurs démographiques (âge, sexe)

· Mettre en relief les effets des facteurs politiques (inertie des pouvoirs publics, entraves aux actions de la société civile)

· Ressortir les conséquences sur le plan socioéconomique (rendement physique des consommateurs)

Résultats attendus
· La tranche d’âge la plus touchée est identifiée
· Le sexe le plus concerné est Identifié
· Les croyances religieuses les plus exposées sont listées
· La classe sociale la plus concernée est déterminée
· L’hypothèse mettant en relief l’influence du niveau d’étude est confirmée
· L’hypothèse selon laquelle une bonne occupation journalière peut éloigner la tentation est confirmée
· Le régime matrimonial le plus exposé est identifié
· L’hypothèse selon laquelle le nombre élevé d’enfant par famille prédispose à la consommation de la drogue est confirmée
· L’hypothèse selon laquelle la prise de l’alcool et du tabac est une voie conduisant à la consommation de la drogue est rejetée
· L’opinion de la population au sujet de la drogue est enregistrée
· Les responsabilités de la société sont connues

DEFINITION
Une drogue est un composé chimique, biochimique ou naturel, capable d'altérer une ou plusieurs activités neuronales et/ou de perturber les communications neuronales. La consommation de drogues par l'homme afin de modifier ses fonctions physicologiques ou psychiques, ses réactions physicologiques et ses états de conscience n'est pas récente. Certaines drogues peuvent engendrer une dépendance physique ou psychologique. L'usage de celles-ci peut avoir pour conséquences des perturbations physiques ou mentales.
Le terme « drogue » recouvre essentiellement deux aspects : la nature des effets biologiques que la drogue induit d'une part et, d'autre part, les rapports que celui qui la consomme entretient avec elle. Il faut qu'un composant chimique donné soit consommé pour qu'il puisse répondre à l'appellation de « drogue ». Le mode et la fréquence de consommation influe directement sur l'accoutumance ou la dépendance au produit.
Un système de régulation de la production, du commerce et de la consommation des drogues a été mis en place au cours du XXe siècle. Les règles édictées par les États tiennent compte des implications politiques, sociales et sanitaires de la consommation de drogues et déterminent la réglementation de leur usage ou leur interdiction. Une politique de prohibition plus ou moins généralisée a également été mise en place pour les produits stupéfiants. La législation mise en place permet donc elle aussi de préciser la notion de drogue.
L'usage du terme « drogue » peut prêter à confusion car il relève d'une sémantique multiple. La prise en compte de plusieurs paramètres permet de mieux cerner la notion de drogue. Pour Pierre-Arnaud Chouvy, « la drogue est tout d'abord un produit d'origine animale, végétale ou synthétique, qui, introduit dans l'organisme par quelque moyen que ce soit, a sur celui-ci des effets biodynamiques, et qui peut, dans certains cas, créer une accoutumance plus ou moins grave ».
La notion de drogue, en plus d'être caractérisée par des éléments biochimiques, est également caractérisée par la législation internationale sur les stupéfiants. La première convention internationale sur le sujet s'est tenue en 1909 à Shanghai et concernait surtout l'opium et ses dérivés. De nombreuses conférences internationales se sont tenues (conventions internationales de 1961, 1971 et 1988), et ont permis de réguler la production, le commerce et la consommation des produits définis comme « stupéfiants ». Cependant, les contours du terme restent flous, puisque la nature de l'emploi d'une même substance peut déterminer son caractère licite ou illicite.
Le terme « drogue » recouvre donc plusieurs aspects : la nature des effets biologiques que la drogue induit d'une part, et d'autre part les rapports que celui qui la consomme entretient avec elle. Il faut qu'un composé chimique donné soit consommé pour qu'il puisse répondre à l'appellation de « drogue ». C'est le mode et la fréquence de consommation qui créé l'accoutumance ou la dépendance au produit. On peut donc penser que c'est le consommateur (à travers ses modes de consommation), plus que le produit qui détermine quelle substance sera, pour lui, une drogue. Un troisième élément permettant de définir une drogue est la norme imposée par une société donnée. Ces trois éléments permettent d'appréhender la drogue comme un phénomène de société.
On constate grâce à ces éléments qu'un même produit peut occuper des places différentes dans des systèmes de valeurs et de modes de vie différents. En conséquence, le même produit peut devenir une panacée ou un fléau pour une société. Le cas de la coca permet d'illustrer ce propos : elle représente une menace pour les États-Unis, alors qu'elle symbolise l'identité culturelle bolivienne pour les boliviens.
Cette différence d'approche d'un même produit est liée à la notion de tolérance socioculturelle, selon laquelle dans un pays où une substance est produite, un état d'équilibre relatif s'installe entre cette substance et les usagers où elle est intégrée dans un rituel social, mystique ou religieux. Ce rituel s'accompagne d'une tradition de l'usage du produit véhiculant des prescriptions d'utilisation, les quantités à utiliser, les dangers relatifs à l'usage.

Les différentes acceptions
La notion de drogue peut être utilisée pour recouvrir plusieurs réalités, qui prennent en compte la relation particulière qu'entretient un individu ou une nation avec un produit considéré.
Certains organismes définissent la drogue comme étant un synonyme du terme scientifique substance psychoactive, expression neutre sans connotation juridique.
En France, l'Académie Nationale de médecine adopte la définition suivante du terme drogue : « Substance naturelle ou de synthèse dont les effets psychotropes suscitent des sensations apparentées au plaisir, incitant à un usage répétitif qui conduit à instaurer la permanence de cet effet et à prévenir les troubles psychiques (dépendance psychique), voire même physiques (dépendance physique), survenant à l'arrêt de cette consommation qui, de ce fait, s'est muée en besoin.[...] En aucun cas le mot drogue ne doit être utilisé au sens de médicament ou de substance pharmacologiquement active. »
L'Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) propose la définition suivante pour le terme « drogues » : « produit psychoactif naturel ou synthétique, utilisé par une personne en vue de modifier son état de conscience ou d’améliorer ses performances, ayant un potentiel d’usage nocif, d’abus ou de dépendance et dont l’usage peut être légal ou non »
Les professeurs David Cohen et Guilhème Pérodeau rappelle que : "En d'autres termes, aucune caractéristique chimique ne peut distinguer entre un psychotrope appelé " drogue " et un autre appelé " médicament
Pour l'Institut de santé publique belge une drogue est une substance psychoactive utilisée à des fins non-médicales.
Juridiquement, le terme « drogue » renvoie aux substances illicites par opposition à d’autres substances telles l'alcool, la nicotine ou les médicaments psychotropes.
Le terme drogue est parfois utilisé par extension pour qualifier un produit causant un comportement compulsif incluant une dépendance ; on parle alors de toxicomanie. De plus, le terme « drogue » est également utilisé pour désigner l'objet d'une addiction (des comportements répétés et supposés par le sujet prévisibles, maîtrisables). On peut citer par exemple les achats compulsifs, la dépendance à Internet, les dépendances au jeu vidéo, le jeu pathologique, la sexualité ou le surentraînement sportif.

Drogue perceptuelle et drogue cognitive
Il existe des substances qui ne sont pas considérées comme des substances psychoactives, mais qui ont cependant un effet non-fonctionnel et direct sur le système nerveux qui affecte l'état mental d'une personne ; ces substances sont appelées « drogues perceptuelles ». Un exemple de drogue perceptuelle peut être la saccharine (Substance blanche à fort pouvoir édulcorant utilisée comme succédané du sucre), qui a les mêmes effets sur le système nerveux que le fructose ou le lactose, mais sans être un glucide (il n'a donc pas de valeur nutritionnelle).
En étendant la notion de drogue perceptuelle, on peut se rendre compte que nombre d'autres stimuli peuvent produire des effets perceptuels qui ne sont pas associés à un bénéfice de la personne qui perçoit ces stimuli, comme c'est le cas de la pornographie par exemple.
Lorsqu'un individu est motivé pour lire un texte, qui peut alors lui procurer certaines sensations (comme cela peut être le cas avec la lecture de textes pornographiques), on peut parler de drogue cognitive. L'effet de cette drogue dépend alors de ce qu'on lit et de ce qu'on comprend.

Opposition drogue licite / drogue illicite
Les termes drogue licite et drogue illicite sont utilisés depuis la mise en place des diverses législations sur les psychotropes.
Une drogue illicite est une drogue dont la consommation et la vente sont interdites par la loi d'un pays. Le caractère illicite de certaines drogues varie d'une législation (et donc d'un pays) à l'autre. Le cannabis, par exemple, est illicite en France mais autorisé sous réglementation stricte à la vente et à la consommation aux Pays-Bas.
Cette distinction entre les deux termes s'attache aux substances psychotropes consommées dans un but non-thérapeutique et susceptible d'induire une dépendance en les différenciant sur leur statut légal.
Les drogues appelées drogues licites désignent les substances psychotropes dont la consommation et la vente ne sont pas interdites par la loi d'un pays. Par drogue licite, on désigne en général l'alcool, le tabac, le café, les médicaments psychotropes ou les solvants organiques.
La distinction « drogues illicites » et « drogues licites » introduite ci-dessus ne saurait induire en aucune manière une distinction de fait entre « drogue dangereuse » (et/ou potentiellement létale) et « drogue inoffensive » (et/ou non potentiellement létale). En d'autres termes, une drogue licite peut être tout aussi dangereuse (ou pas) qu'une drogue illicite : il doit être bien clair que la distinction de ce paragraphe n'aborde en aucun cas cette distinction ni ne la sous-entend.

Drogue récréative
Le terme de drogue récréative est un terme dérivé de l'expression usage récréatif, qui désigne avant tout l'environnement de consommation. L'usage intervient alors dans une optique festive, l'effet désinhibant des psychotropes étant recherché par les usagers.
Ce terme désigne une consommation occasionnelle et modérée n'entraînant aucune complication pour la santé ou le comportement. Cette consommation récréative s'oppose ainsi à la notion de consommation problématique qui définit la toxicomanie.
Le fait de présenter les psychotropes illégaux comme des substances récréatives est considéré comme incitatif car occultant les problèmes de marginalisation qu'un usage abusif de ces produits peut induire. C'est le cas notamment en France où l'incitation à l'usage de psychotropes illégaux est pénalement répréhensible.

Usage détourné
Le terme usage détourné désigne l'utilisation d'un médicament en dehors d'indications thérapeutiques. Il s'applique à l'usage de médicaments dans le cadre du dopage mais aussi à l'utilisation de psychotropes pour modifier volontairement l'état de conscience. Ce terme induit un jugement moral. L'usage détourné désigne souvent l'usage de sédatifs, d'opiacés ou de stimulants à des fins non-médicales, comme ce peut être le cas avec la buprénorphine, la kétamine, la morphine, ou d'autres.

Opposition drogue douce - drogue dure
Drogue dure est un terme qui qualifie des substances à même de provoquer une dépendance psychique et physique forte Ce terme désigne généralement les dérivés de cocaïne et d'héroïne.
Ces termes sont apparus lors de la mise en place des réglementations internationales concernant les drogues. Ils ont un sens historique fortement attaché à la réglementation de l'époque où seuls les dérivés morphiniques, cocaïniques et cannabiques étaient visés par les lois, même si leur définition stricte peut s'adapter à d'autres produits.
Le terme de drogue douce désigne presque exclusivement le cannabis, du fait que celui-ci induise une dépendance mentale très faible et que le risque de décès par surdose soit nul. On oppose cette expression à drogue dure.
L'appellation « drogue douce » est contestée par certains, dans la mesure où il peut exister dans certains cas un « usage dur des drogues douces ». Dans de tels cas, la prise d'un produit habituellement qualifié de drogue douce peut conduire à la toxicomanie. L'ambiguïté du qualificatif "douce" pour une drogue conduit à préférer l'expression "drogue lente".

Opposition drogue de synthèse - drogue naturelle
Le terme de drogue de synthèse s'emploie surtout par opposition au terme drogue naturelle. La drogue naturelle est issue de produits naturels ayant subit peu ou pas de transformations comme les champignons hallucinogènes ou le cannabis ; alors que la drogue de synthèse désigne principalement des substances comme l'ecstasy ou le LSD qui nécessitent une synthèse en laboratoire.
Cette distinction est contestée par certains auteurs, dans la mesure où la résine de cannabis, généralement considérée comme naturelle, peut parfois subir des manipulations chimiques visant à en augmenter le principe actif (le THC). De plus, ces auteurs considèrent que l'usage du terme naturel peut prêter à confusion quant à la dangerosité du produit.

Implications socio sanitaires de la consommation de drogue
Les effets des drogues sont qualifiés de psychotrope ; ils peuvent modifier l'esprit, la volonté, le jugement, etc. En effet, les drogues agissent généralement grâce à un ou plusieurs alcaloïdes et modifient les transmissions synaptiques.
La consommation de drogues est associée à des problèmes sociaux et de santé qui varient selon le type, la quantité et le mode d'absorption de la substance mise en cause. La consommation répétée de drogue peut conduire à la toxicomanie et avoir des conséquences sanitaires.
Il est cependant important de préciser que toutes les drogues n'ont pas les mêmes effets. Ce qui remet d'ailleurs en cause la classification drogues douces/dures. Ce classement a été établi en prenant comme seul critère les effets négatifs que les drogues peuvent entraîner sur l'organisme, or il y a d'autres critères à prendre en compte : Certaines drogues comme le cannabis sont faciles à se procurer, et de plus elles ne coûtent pas cher, c'est un critère important. Car si le consommateur de cannabis peut trouver son produit facilement et peu cher, il aura tendance à en consommer de plus en plus et donc à devenir accro. Par comparaison, la cocaïne reste une drogue beaucoup plus chère et beaucoup plus difficile à trouver, ce qui explique qu'elle ne soit souvent utilisée que dans le domaine festif et donc ponctuellement.
Les politiques actuellement en vigueur mettent l'accent sur les propriétés chimiques des produits et nie que les effets des drogues dépendent aussi des représentations sociales liées à leur usage. Les orientations politiques prises par rapport aux drogues donnent lieu à des débats controversés.

METHODOLOGIE DE L’ENQUETE
Pour mener à cette étude, nous avons été appelés à nous déployer en trois étapes. La première est la collecte des données avec au premier chef la formation des enquêteurs. La phase de terrain s’est étalée sur 10 jours. Il était question d’avoir des entretiens individuellement avec des personnes âgées entre 9 et 70 ans parmi lesquels, les enfants de la rue, les moto-taximen, les pousseurs, les chargeurs, les fonctionnaires les étudiants et les élèves. Bref, toutes les couches et classes sociales sans toutefois oublier les vendeurs de ces stupéfiants. Concernant la seconde étape, elle a consisté à traiter et à analyser des données. Les fiches ramenées par les enquêteurs ont été regroupées par secteur et par types de cibles. Ce classement nous a permit de faire des comparaisons. Le traitement proprement dit des données n’a été possible que grâce aux applications SPSS et Microsoft Excel.

DEROULEMENT DES ENTRETIENS
D’amblée ici, il est important de signaler que les répondants pour la grande partie des commerçants ont été plus ou moins réticents. Hormis cette réticence, les entretiens se sont bels et biens arrivés à terme avec des fiches bien remplies.

DIFFICULTES RENCONTREES
Loin d’être aisée, nous avons rencontré des difficultés à toutes les étapes. Mais, les plus importantes sont celles du terrain lors des collectes des données. Nous pouvons cités entre autres :
- L’impossibilité de traverser les mayo du fait de la présence de l’abondance des eaux en cette période de l’année,
- L’impraticabilité de certaines pistes,
- L’indisponibilité de certains répondants à cause des travaux champêtres,
- La réticence de certains répondants prétextant la non-valorisation de leurs opinions,
- Le manque des frais de déplacement.

PRINCIPAUX RESULTATS
1. A la question : Dans quelle tranche d'age êtes-vous?
1= 12-24 = 1095, soit 54,75 %
2= 25-35 = 631, soit 31,55 %
3= Age ≥ 36 = 274, soit 13,7 %

2. A la question : De quelle religion êtes-vous?
a. Musulmane = 1040 soit 52 %
b. Chrétienne = 858 soit 42,9 %
c. Animiste = 102 soit 0,6 %
d. Païenne = 0 soit 0 %

3. A la question : Quel niveau d'étude avez-vous?
a. Primaire = 927 soit 46,35 %
b. Secondaire = 741 soit 37,05 %
c. Supérieur = 286 soit 14,3 %
d. Rien = 46 soit 2,3 %

4. A la question : Avez-vous une formation professionnelle?
a. Oui = 467 soit 23,35 %
b. Non = 1533 soit 76,65 %

5. A la question : Avez-vous un emploi?
a. Oui = 827 soit 41,35 %
b. Non = 1173 soit 58,65 %

6. A la question : êtes-vous déjà drogué une fois?
a. Oui = 1082 soit 54,10 %
b. Non = 918 soit 45,90 %

7. A la question : Dans quelle situation sociale sont vos parents?
a. Riches = 36 soit 1,80%
b. Moyens = 815 soit 40,75%
c. Pauvres = 1149 soit 57,45%

8. A la question : Où vit actuellement votre famille?
a. Ville = 1320 soit 66%
b. Campagne = 507 soit 25,35%
c. Village = 173 soit 8,65%

9. A la question : Vos deux parents sont ils vivants?
a. Oui = 986 soit 49,3%
b. Non = 1014 soit 50,7%

10. A la question : De quelle situation matrimoniale êtes-vous issus?
a. Monogamie = 945 soit 47,25%
b. Polygamie = 1055 soit 52,75%

11. A la question : Si polygamie, de combien de femmes?
a. N = 2 = 676 soit 64,07%
b. N = 3 = 271 soit 25,68%
c. N ≥ 04 = 108, soit10, 25%

12. A la question : Votre famille compte combien d'enfants?
a. N ≤ 5 = 356 soit 17,80%
b. 05 < N ≤ 10 = 732 soit 36,60%
c. N >10 = 912 soit 45,60%


13. A la question : Combien d'enfants a votre mère?
a. N ≤ 5 = 93 soit 4,65%
b. 05 < N ≤ 10 = 1140 soit57%
c. N >10 = 767 soit 38,35%

14. A la question : Combien compte-t-on de chômeurs dans votre famille?
a. N ≤ 5 = 896 soit 44,80%
b. 05 < N ≤ 10 = 1036 soit 51,80%
c. N >10 = 68 soit 03,40%

15. A la question : Combien compte-t-on d'alcooliques dans votre famille?
a. N ≤ 5 = 1402 soit 70,10%
b. 05 < N ≤ 10 = 577 soit 28,85%
c. N >10 = 21 soit 01,05%

16. A la question : Combien compte-t-on de fumeurs dans votre famille?
a. N ≤ 5 = 1288 soit 54,40 %
b. 05 < N ≤ 10 = 691 soit 34,55%
c. N >10 = 21 soit 01,05%

17. A la question : Combien compte-t-on de drogués dans votre famille?
a. N ≤ 5 = 1978 soit 98,90%
b. 05 < N ≤ 10 = 22 soit 01,10%
c. N >10 = 00 soit 00%

18. A la question : Selon vous, la drogue est elle une bonne ou une mauvaise chose?
Il y'a eu jusqu'à deux catégories
a. Bonne = 260 soit 13%
b. Mauvaise = 1740 soit 87%

19. A la question : Pourquoi la drogue est une bonne chose?
Ceux qui pensent que la consommation de la drogue est une bonne chose disent qu’elle leur procure du plaisir et noie leurs soucis.

20. A la question : Pourquoi la drogue est une mauvaise chose?
Les répondants soulignaient beaucoup plus les dangers sanitaires inhérents à la consommation de la drogue

21. A la question : Selon vous, quelle est la tranche d'age la plus touchée?
Il y'a eu jusqu'à trois catégories
a. 12 < N ≤ 25 = 1970 soit 98,50%
b. 25 < N ≤ 35 = 21 soit 01,05%
c. N > 35 = 9 soit 00,45%

22. A la question : Selon vous, quelle est le sexe le plus concerné?
Masculin = 1962 soit 98,10%
Féminin = 38 soit 01,90%

23. A la question : Selon vous, qu'est ce qui pousse cette tranche à se droguer?
Il y'a eu jusqu'à quatre catégories
a. Pauvreté = 460 soit 23 %
b. Manque d’encadrement des parents = 720 soit 36 %
c. Hérédité = 117 soit 05,85%
d. Imitation = 703 soit 35,15%

24. A la question : Selon vous, sont-ils récupérables?
Il y'a eu deux types de réponses
a. Oui = 1989 soit 99,45%
b. Non = 11 soit 00,55%

25. A la question : Selon vous, comment reconnaître un drogué?
La plupart des répondants disent que les drogués sont reconnaissables de par leur comportement agressif et le manque de contrôle de soi.

26. A la question : Quelles sont les drogues que vous connaissez?
Les drogues citées sont :
· Le chanvre indien
· La dissolution (Liquide)
· Le D10
· Le Diazépam
· L’Hexol 5 et 4
· Le Prometazyl
· L’Homme fort (Passion)
· Le Tramol
Les répondants ayant cité :
a. Plus de quatre drogues = 947 soit 47,35%
b. Moins de quatre drogues = 882 soit 44,10%
c. Aucune drogue = 171 soit 08,55%

27. A la question : Selon vous, quelles sont les sources de provenance de ces drogues?
La plupart des répondants pensent que ces drogues proviennent des pays voisin, quelques uns pensent que ces drogues sont produites sur place.

28. A la question : Selon vous, que peut faire le pouvoir public pour barrer la route à la drogue?
Les répondants pensent que les pouvoirs publics devraient lutter contre la pauvreté et le chômage.

29. A la question : Selon vous, que peuvent faire les Organisations de la Société Civile pour barrer la route à la drogue?
Les répondants prônent pour des campagnes de sensibilisation par les organisations de la société civile.
RECOMMANDATIONS
A l’issue de cette enquête, les propositions suivantes peuvent s’adresser aux différents acteurs concernés.

1. Aux pouvoirs publics
Ils doivent à travers le Ministère de la santé publique œuvrer en faveur de la vulgarisation des lois et règlements relatifs à la circulation des produits stupéfiants.
Tout de même, se mettre en œuvre pour que le système qui permet la production, le ravitaillement, la commercialisation et la consommation de ces stupéfiants soit bloqué d’une part et moraliser ces acteurs d’autre part par des sanctions.
Insertion sociale des jeunes drogués récupérés.
Encourager les initiatives en faveur de la lutte contre la drogue.

2. Aux organisations de la société civile
Organiser des campagnes de sensibilisation en direction des jeunes sur les conséquences de la drogue dans l’organisme
Les responsables des syndicats des motos taximen doivent programmer des séances de causeries avec leurs membres, appuyé des témoignages à visage découvert
Mener un plaidoyer en direction des pouvoirs publics
Développer des stratégies d’insertion des jeunes drogués récupérés

3. Aux vendeurs dans la rue
Ils doivent savoir qu’en dépit du fait que ce commerce est pour eux une source de revenus, il est important qu’ils cessent de vendre des médicaments dans la rue. Car parmi ces médicaments, on retrouve des produits interdits par la loi en vigueur au Cameroun.